Jurisprudence sur la Garantie Décennale Carrelage : Analyse Complète

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La question de savoir si la garantie décennale peut couvrir les dommages résultant d’une pose incorrecte de carrelage a été tranchée par les juges dans un arrêt du 21 novembre 2019. Il en ressort qu’un carrelage mal posé sur un bâtiment préexistant n’est pas couvert par cette garantie, étant donné que le carrelage est considéré comme un élément détachable de la construction principale. Ainsi, la garantie décennale s’applique exclusivement aux composants indissociables de l’ouvrage. Cet article vise à explorer en détail cette décision juridique.

Bien que la pose de carrelage soit un travail de spécialiste, elle n’est pas exempte de défauts cachés, dont les conséquences peuvent se manifester longtemps après l’achèvement des travaux, mettant en cause la responsabilité du carreleur. Si le dommage est couvert par la garantie décennale, le professionnel peut être tenu de procéder aux réparations, même jusqu’à dix ans après la pose du carrelage.

Des articles récents dans la presse ont soulevé des questions sur la couverture du carrelage par la garantie décennale, nécessitant ainsi quelques éclaircissements importants.

Points Clés à Retenir 🎯

Portée de la Garantie Décennale : La garantie décennale couvre les dommages qui affectent la solidité du bâtiment ou le rendent inapte à l’usage prévu. Cependant, elle ne s’applique pas automatiquement à tous les types de carrelage.

Distinction entre Carrelage Collé et Scellé : La garantie biennale concerne le carrelage collé, tandis que la garantie décennale s’applique au carrelage scellé, considéré comme un élément indissociable de la construction.

Critères d’Éligibilité à la Garantie Décennale : Les défauts du carrelage doivent être suffisamment sérieux pour compromettre la solidité de la structure ou rendre le bâtiment inutilisable.

Caractéristique du Carrelage : La décision de couvrir ou non un carrelage sous la garantie décennale dépend de sa nature : amovible ou intégral à la construction.

Jurisprudence et Carrelage : Les jurisprudences ont lié la garantie décennale au carrelage dans certaines situations spécifiques, comme les fissures importantes ou les problèmes affectant l’habitabilité.

Responsabilité des Constructeurs et Carreleurs : Les professionnels doivent souscrire à la garantie décennale et sont responsables des réparations en cas de défauts éligibles.

Alternatives en cas de Non-Couverture par la Garantie Décennale : D’autres garanties comme la garantie de parfait achèvement, la garantie biennale ou la responsabilité civile peuvent s’appliquer.

Procédure de Réparation et Indemnisation : En cas de défaut, le maître d’ouvrage peut entamer des démarches amiables ou judiciaires pour obtenir réparation.

Responsabilité Contractuelle et Dommages Intermédiaires : Même en l’absence de garantie décennale, le constructeur peut être tenu responsable sous d’autres formes de garantie.

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Les imperfections couvertes par la garantie décennale

Il est essentiel de distinguer entre deux types de carrelage : le carrelage collé, bénéficiant d’une garantie biennale, et le carrelage scellé, relevant de la garantie décennale. Le carrelage scellé est intégré de manière inséparable à la structure du bâtiment, sa dépose pouvant compromettre l’intégrité de l’ensemble de la construction. Selon l’article 1792-2 du Code civil, la responsabilité décennale du constructeur s’étend aux dommages compromettant la solidité des équipements intégrés à un ouvrage, à condition qu’ils en fassent partie intégrante.

Pour être éligibles à la garantie décennale, les défauts du carrelage doivent être suffisamment sérieux, en :

Affectant la solidité du bâtiment ou de ses composants indissociables.

Rendant le bâtiment inapte à l’usage prévu.

Cela inclut les fissurations complexes susceptibles de s’aggraver ou les fissures entraînant un dénivelé notable. Toutefois, les fissures qui n’affectent que l’aspect esthétique du carrelage ne sont pas prises en compte dans cette garantie.

Caractéristique du Carrelage : Élément Amovible ou Intégral de la Construction ?

L’aspect crucial à considérer dans ce contexte est la caractéristique du carrelage : est-il un élément amovible ou un composant permanent de la construction ? Lorsque le carrelage est considéré comme permanent, il entre dans le cadre de la garantie de responsabilité décennale, effective pendant dix ans dès la livraison du chantier. Cette garantie est essentielle, et les carreleurs professionnels sont également soumis à cette obligation. En l’absence de souscription à cette garantie, ils doivent assumer personnellement les coûts associés aux malfaçons.

Les préjudices liés à la pose de carrelage sont traités par les tribunaux comme des désordres de nature intermédiaire. Cela implique que chaque situation doit être évaluée de manière détaillée pour déterminer la responsabilité.

Dans le jugement du 21 novembre 2019, une entreprise était chargée de fournir et de poser le carrelage dans une habitation. Suite à des problèmes survenus avec le carrelage, les propriétaires ont fait appel à la garantie décennale contre l’entreprise de carrelage. Les juges ont dû examiner la spécificité des travaux réalisés.

Était-ce que les défauts constatés sur le carrelage affectaient de manière irréversible l’ensemble de la construction ou rendaient-ils le bâtiment inutilisable pour sa fonction initiale ? Après examen des dommages, la Cour de cassation a conclu que la garantie décennale ne s’appliquait pas dans ce cas, le carrelage étant considéré comme un équipement amovible. En effet, il pouvait être retiré du sol (l’ouvrage principal) sans endommager la structure de l’habitation.

Un carrelage avec des défauts peut parfois relever de la garantie décennale

Il est fréquent de mal interpréter l’arrêt mentionné et de le considérer comme une règle absolue. En vérité, la garantie décennale peut s’appliquer à un carrelage mal posé, même si c’est moins courant pour les travaux effectués sur des structures déjà existantes. Les constructions neuves sont, en revanche, plus susceptibles de bénéficier de cette garantie.

Il est important de souligner que, dans la décision du 21 novembre 2019, la pose de carrelage concernait une structure préexistante. On peut en déduire que si le carrelage avait été installé sur une structure en cours de construction, la garantie décennale aurait été plus probablement applicable. Cela serait le cas, par exemple, lors de la pose de carrelage dans une maison neuve.

Les jurisprudences ont plusieurs fois lié la garantie décennale au carrelage, notamment dans les situations suivantes :

Fissures dans un carrelage collé sur une chape non armée, coulée sur un plancher en bois.

Fissurations importantes du carrelage touchant tous les appartements d’un immeuble, compromettant l’habitabilité de celui-ci.

D’autres circonstances exceptionnelles peuvent également amener à appliquer la garantie décennale, comme lorsque la pose du carrelage influence significativement l’isolation du logement ou sa capacité à rester étanche.

Néanmoins, il est essentiel de nuancer cette généralité. L’arrêt du 21 novembre 2019 (3ème chambre civile, n° 18-23051) abordait spécifiquement le cas d’un carrelage posé sur une construction existante. Généralement, pour des travaux sur des structures existantes, il est plus ardu de bénéficier de la garantie décennale que pour des travaux neufs, car il faut évaluer si ces travaux forment un ouvrage à part entière.

Habituellement, dans le cas d’ajouts d’équipements dissociables sur des travaux neufs, la jurisprudence ne reconnaît pas automatiquement la nature d’ouvrage, et peut exclure l’application de la garantie décennale ou biennale.

L’arrêt en question ne traitait pas d’une situation de construction neuve, mais plutôt du régime spécifique des travaux sur existants. Par ailleurs, la garantie décennale a été appliquée dans des cas comme des carrelages fissurés, tant sur des chapes non armées que sur des planchers en bois, ou encore dans des cas où les fissures rendaient l’immeuble inutilisable.

Le carrelage scellé est couvert par la garantie décennale

On distingue ici le carrelage simplement collé, qui ne sera pas couvert par la garantie décennale, du carrelage scellé. Ce dernier est posé de manière définitive sur le sol et constitue donc un élément indétachable du reste de l’ouvrage. Si on le retire, cela cause un grave dommage à l’ouvrage, autrement dit à l’habitation. Une telle distinction est inscrite dans la loi française, plus particulièrement à l’article 1792-2 du Code civil. Ainsi, tout constructeur engage sa responsabilité décennale sur les dommages qui affectent la solidité des équipements de l’ouvrage, quand ces derniers sont indissociables de l’ouvrage en lui-même.

De ce fait, si le carrelage est scellé et que des dommages apparaissent, l’assurance responsabilité en garantie décennale de l’entreprise prendra la relève et indemnisera le maître d’ouvrage pour les dommages subis. Ce sera notamment le cas si des fissures apparaissent et que ces dernières peuvent s’aggraver. Ou bien encore si l’ouvrage réalisé présente des discontinuités importantes. Une simple fissure esthétique est insuffisante pour actionner la garantie décennale.

Pour autant, si les dommages liés au carrelage collé ne sont effectivement pas couverts par la garantie décennale, ils peuvent tout à fait l’être par la garantie des dommages intermédiaires. Cette garantie trouve son origine dans la faute prouvée du constructeur. Elle est également d’une durée de 10 ans à compter de la réception des travaux.

Alternatives pour le maître d’ouvrage en cas de dommages non couverts par la garantie décennale

Lorsque la garantie décennale n’est pas applicable, quelles sont les options disponibles pour le client, maître d’ouvrage ? Il existe diverses alternatives dans une telle situation :

Garantie de parfait achèvement : Cette garantie peut être sollicitée pendant un an après la livraison des travaux. Elle couvre les défauts ou les malfaçons qui apparaissent pendant cette période.

Garantie biennale de bon fonctionnement : Cette garantie s’étend normalement sur deux ans et couvre les éléments dissociables de la construction, tels que le carrelage posé de manière non permanente. Dans ce cas, le retrait du carrelage n’entraîne pas de dommages majeurs à la structure.

Garantie en responsabilité civile de droit commun : Valable pour une durée de cinq ans, elle s’applique en cas de défauts non couverts par les autres garanties.

Ces garanties s’appliquent aux défauts survenant dans des carrelages collés ou clipsés, que ce soit dans des constructions neuves ou rénovées, et tant sur les murs que sur les sols. Pour la pose sur une surface préexistante, un mortier colle spécifique est utilisé. Le carrelage collé, considéré comme un élément dissociable et inerte, peut être retiré sans impacter l’ouvrage principal. Le carrelage clipsé, quant à lui, n’est pas inclus dans la garantie décennale car il est installé sans scellement, colle ou jointure, étant également un élément dissociable.

Par exemple, si votre carrelage collé sonne creux, cela indique un défaut qui ne compromet pas la solidité globale de la construction et ne rend pas le bâtiment inadapté à son usage prévu. Si vous remarquez ce type de défaut après la pose, il est conseillé de contacter l’artisan pour effectuer les réparations nécessaires, soit sous la garantie de parfait achèvement d’un an, soit en vertu de la responsabilité contractuelle de cinq ans après la réception des travaux.

Procédure de réparation et indemnisation pour les dommages

Pour initier une demande de compensation ou de réparation liée à un défaut de carrelage sous la garantie décennale, le processus peut débuter de manière conciliée, en adressant une lettre recommandée avec accusé de réception. Si un désaccord persiste, le litige sera tranché par un tribunal, qui évaluera chaque situation individuellement.

Dans le cas où la responsabilité de l’artisan carreleur est établie, il peut être tenu de verser des dommages et intérêts pour couvrir la correction du défaut, ou procéder à une réparation directe. Il est impératif que les réparations effectuées résolvent non seulement les défauts apparents, mais aussi qu’elles s’attaquent aux causes sous-jacentes de ces malfaçons.

Idée reçue : ma responsabilité décennale n’est pas engagee, donc je ne peux pas être condamné

Il est erroné de penser que l’absence de mise en œuvre de la responsabilité décennale exempte automatiquement le constructeur de toute responsabilité. Même si cette responsabilité spécifique n’est pas retenue, il demeure possible pour le maître d’ouvrage de se tourner vers la responsabilité contractuelle de l’entreprise, en se basant sur la théorie des dommages intermédiaires. La jurisprudence autorise le maître d’ouvrage à demander réparation pour des désordres postérieurs à la réception des travaux, qui, sans affecter la solidité de l’ouvrage ni le rendre impropre à son usage initial, requièrent néanmoins une intervention.

Concernant le carrelage, la jurisprudence estime que ce dernier, n’étant pas considéré comme un équipement relevant de la garantie de bon fonctionnement selon l’article 1792-3 du Code civil, ne peut entraîner une demande de réparation fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, aussi bien avant qu’après la réception des travaux. Pour les dommages intermédiaires, la preuve d’une faute du constructeur, d’un préjudice subi et d’un lien de causalité entre les deux doit être apportée, contrairement aux garanties légales qui s’appuient sur une présomption de responsabilité.

Ce principe s’applique non seulement au carrelage mais à tous les types de travaux. Une différence notable réside dans le fait que, n’étant pas couverts par une garantie légale, les dommages intermédiaires n’exigent pas que le constructeur souscrive une assurance spécifique.

De plus, les intérêts d’un constructeur et de son assureur peuvent diverger : l’assureur peut chercher à démontrer que le désordre n’est pas de nature décennale pour éviter d’indemniser, tandis que le constructeur pourrait préférer une qualification décennale pour éviter une responsabilité contractuelle personnelle.

Il est donc parfois judicieux pour le constructeur de ne pas partager le même avocat que son assureur. Enfin, il est toujours recommandé de s’informer auprès de professionnels qualifiés plutôt que de se fier uniquement aux informations trouvées sur internet.

Conclusion 

L’examen approfondi de la question de la garantie décennale appliquée au carrelage révèle une réalité juridique complexe et nuancée. Comme l’illustre l’arrêt du 21 novembre 2019, le carrelage, en tant qu’élément détachable ou indissociable d’un ouvrage, joue un rôle clé dans la détermination de l’application de cette garantie. Alors que le carrelage scellé peut relever de la garantie décennale, le carrelage collé est généralement exclu, bien qu’il puisse être couvert par d’autres garanties telles que la garantie biennale ou la responsabilité civile de droit commun.

Cette distinction souligne l’importance pour les professionnels du bâtiment de bien comprendre les implications légales de leurs travaux et de souscrire les assurances appropriées. De même, pour les maîtres d’ouvrage, il est crucial de connaître leurs droits et les recours disponibles en cas de malfaçons ou de défauts. Que ce soit par une démarche amiable ou par une action en justice, le chemin vers la réparation des dommages peut varier en fonction de la nature des travaux et des défauts constatés.

En fin de compte, cette analyse met en lumière la complexité des réglementations entourant la garantie décennale et souligne l’importance de consulter des professionnels qualifiés pour obtenir des conseils éclairés. Elle rappelle aussi que chaque situation est unique et doit être évaluée individuellement, en tenant compte de toutes les garanties et responsabilités applicables.

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