Dernière mise à jour le 23 novembre 2023
Dans le secteur de l’assurance, il est primordial pour les souscripteurs de maîtriser la notion de prescription biennale. Cette règle, définissant une limite temporelle après laquelle un contrat d’assurance ne peut plus être contesté ou faire l’objet de demandes d’indemnisation, est un élément clé. Nous allons explorer en détail les différents aspects de cette disposition et les mesures à adopter pour ne pas perdre ses droits.
L’article L114-1 du Code des assurances établit la prescription biennale : « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ». Ce délai restreint est souvent à l’origine de conflits, les compagnies d’assurances l’utilisant fréquemment pour esquiver le paiement d’indemnisations suite à un sinistre. Il est donc essentiel de bien comprendre à la fois la portée et le point de départ de cette prescription.
La complexité et la longueur des contrats d’assurances conduisent souvent à leur non-lecture par les assurés. Cette ignorance mène à une absence d’accompagnement et d’indemnisation pour certains sinistres. Les assurés ne saisissent pas toujours l’importance et les implications des règles de prescription extinctive. Cet article vise donc à éclairer sur l’importance cruciale de la prescription biennale dans le domaine des assurances pour les assurés.
Absence de mention
Selon l’article L. 114-1 du Code des assurances, il est obligatoire pour les assureurs d’inclure dans leurs contrats les clauses relatives à la prescription biennale. Toutefois, la jurisprudence a étendu cette exigence, jugeant que l’omission de ces clauses devrait entraîner l’inapplicabilité de la prescription à l’assuré. De plus, il est requis que les contrats rappellent les diverses causes pouvant interrompre la prescription, y compris les causes ordinaires.
La Cour de cassation a réaffirmé cette interprétation, en critiquant une décision qui n’avait pas vérifié si le contrat mentionnait clairement les causes d’interruption de la prescription biennale (Civ. 2e, 12 janvier 2017, pourvoi n° 16-13.692). Malgré les objections de certains experts, cette jurisprudence semble s’éloigner de l’objectif initial du législateur, qui était d’informer les assurés sur les délais pour réclamer leur indemnisation. La Cour a censuré une décision pour avoir ignoré l’absence de mention du point de départ de la prescription, affirmant que cette omission n’avait pas concrètement affecté l’information de l’assuré (Civ. 2e, 12 janvier 2017, pourvoi n° 16-10.656).
Ainsi, pour la Cour de cassation, toute omission de mention obligatoire dans le contrat rend automatiquement inapplicable la prescription. Peu importe si cette omission aurait pu prévenir la prescription ou si l’assuré, qui peut être un professionnel du droit, connaissait déjà le régime spécial de la prescription biennale.
Cet arrêt illustre un changement d’orientation de la Cour de cassation : au lieu de se concentrer sur l’information de l’assuré, elle exerce un contrôle strict sur les contrats d’assurance, sanctionnant ceux qui ne respectent pas intégralement les mentions obligatoires. Cette approche peut être critiquée comme outrepassant le rôle traditionnel du juge, empiétant sur les prérogatives législatives.
En résumé, l’absence de mention de l’article L. 114-1 du Code des assurances dans un contrat est sanctionnée par l’inapplicabilité de la prescription à l’assuré, générant souvent des litiges autour de la détermination du point de départ de la prescription, ce qui peut s’avérer complexe dans certains cas.
Définition et couverture de la prescription biennale
L’article L114-1 du Code des assurances établit une prescription biennale, fixant à deux ans le délai maximum pour engager une procédure judiciaire liée à un contrat d’assurance. Ce délai couvre diverses situations, telles que les demandes d’indemnisation, les contentieux sur des cotisations impayées, ou les différends relatifs à la résiliation d’un contrat.
Cette prescription biennale s’applique exclusivement aux relations contractuelles entre l’assureur et l’assuré. En revanche, elle ne s’étend pas aux actions impliquant des tiers non parties au contrat d’assurance, quel que soit leur statut : victimes tierces, parties responsables, ou bénéficiaires tiers.
Alors que la prescription de droit commun est de cinq ans, comme dans le cas d’une reconnaissance de dette, le délai spécifique aux contrats d’assurance est réduit à deux ans. Néanmoins, l’article L114-1 introduit certaines exceptions à cette règle.
La durée de la prescription est portée à dix ans dans les situations suivantes :
- Pour les contrats d’assurance vie lorsque le bénéficiaire est différent du souscripteur.
- Pour les contrats d’assurance couvrant les accidents corporels, lorsque les bénéficiaires sont les héritiers de l’assuré défunt.
En outre, dans le cadre des assurances vie, le délai de prescription pour les actions menées par le bénéficiaire peut être étendu jusqu’à 30 ans suivant le décès de l’assuré.
Démarrage de la prescription biennale
Le démarrage de la prescription biennale est généralement fixé à la date de l’événement déclencheur des actions liées au contrat. Toutefois, l’article L114-1 du Code des assurances énonce certaines exceptions à cette règle générale :
En cas de non-divulgation, omission, ou déclaration erronée concernant le risque, le délai commence à partir du moment où l’assureur en prend connaissance.
En cas de sinistre, le délai ne débute que lorsque les parties concernées en ont connaissance, à condition qu’elles prouvent leur ignorance préalable du sinistre.
Lorsque l’action de l’assuré contre l’assureur résulte du recours d’un tiers, la prescription ne commence qu’à partir de la date où ce tiers engage des poursuites judiciaires contre l’assuré ou est indemnisé par celui-ci.
Ainsi, en cas de sinistre, le point de départ est le jour où les parties impliquées prennent connaissance de l’événement.
L’une des complexités de la prescription biennale réside dans l’identification de son point de départ, notamment dans les assurances de responsabilité. Selon l’article L. 114-1, le délai commence à partir du jour où le tiers lésé est indemnisé par l’assuré ou intente une action en justice contre lui. La Cour de cassation a confirmé qu’une expertise judiciaire demandée contre l’assuré lance le délai de prescription biennale (Civ. 3e, 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-22.750), car même si la responsabilité de l’assuré n’est pas encore établie et aucune demande d’indemnisation formulée, cette démarche est considérée comme une action en justice interrompant la prescription, conformément à l’article 2241 du Code civil. Cette approche assure que l’assureur soit rapidement informé d’un éventuel sinistre et puisse gérer le litige.
Un autre aspect important est que le point de départ de la prescription doit être considéré séparément pour chaque sinistre (Civ. 2e, 30 juin 2016, pourvoi n° 15-22.973). Peu importe si l’assureur gère plusieurs sinistres dans un seul dossier ou si les sinistres sont de nature répétitive, leur prescription est évaluée individuellement (Civ. 2e, 28 février 2013, Bull. II, n° 44). Même si les sinistres peuvent être regroupés pour l’application d’une franchise ou d’un plafond de garantie, cela n’affecte pas le calcul de la prescription.
Il est important de noter que la prescription biennale peut être interrompue par les causes habituelles de droit commun, mais aussi par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, soit de l’assureur à l’assuré en cas de non-paiement de la prime, soit de l’assuré à l’assureur pour le règlement de l’indemnité.
L’interruption de la prescription biennale
La prescription biennale peut être non seulement suspendue mais également interrompue, comme le précise l’article L114-2 du Code des Assurances. Ce texte stipule que la prescription est interrompue par les causes ordinaires d’interruption de la prescription ainsi que par la nomination d’experts suite à un sinistre. En outre, l’interruption de la prescription peut aussi résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, soit de la part de l’assureur à l’assuré pour une action en paiement de la prime, soit de l’assuré à l’assureur pour le règlement de l’indemnité.
À noter : Il est important de souligner que, en cas d’interruption de la prescription via un courrier, il convient de conserver soigneusement une copie de la lettre ainsi que la preuve de son envoi avec l’accusé de réception. Cette précaution est essentielle pour documenter et prouver l’interruption de la prescription en cas de litige ou de procédure judiciaire ultérieure.
Fonctionnement et motifs de suspension de la prescription biennale
Le traitement d’un dossier de sinistre majeur peut être un processus long, impliquant des étapes telles que l’expertise, la contre-expertise, et la collecte de documents justificatifs. La combinaison de la lenteur des services de gestion des sinistres et de la négligence de certains assurés peut rapidement mener à l’approche de l’échéance des deux ans. Dans ces circonstances, l’assureur pourrait invoquer la prescription pour éviter de procéder au règlement. Heureusement, il existe des moyens de se protéger contre ce risque de prescription.
Les exceptions de la prescription biennale
Cependant, il existe des circonstances particulières pouvant mettre en pause ou arrêter temporairement le délai de prescription :
- Si une assurance propose un accord pour un dommage, le délai de prescription est en pause jusqu’à ce que l’assuré accepte ou rejette cette proposition.
- La prescription peut être arrêtée avec l’apparition de nouvelles informations, telles qu’un rapport d’expertise ou une décision judiciaire.
- En présence de circonstances exceptionnelles, comme une catastrophe naturelle ou un événement politique majeur empêchant la résolution du conflit, le délai de prescription est aussi suspendu.
Les conséquences de la prescription biennale
La conséquence majeure de la prescription biennale est la perte potentielle des droits de l’assuré à réclamer une indemnisation ou à contester certaines conditions du contrat. Par exemple, un retard dans la déclaration d’un sinistre pourrait amener l’assureur à refuser l’indemnisation sous prétexte que le délai de prescription est expiré. De même, si une clause abusive est découverte dans le contrat après deux ans, il sera alors trop tard pour la contester en justice.
Il est donc essentiel d’être particulièrement attentif aux délais établis par la prescription biennale pour protéger vos droits en tant qu’assuré.
Interrompre la prescription ne vise pas à empêcher la poursuite du délai initial, mais plutôt à initier un nouveau délai de deux ans à partir de la date de l’acte d’interruption. Cela permet de relancer le compte à rebours pour deux années supplémentaires, offrant ainsi une nouvelle opportunité pour régler le dossier, notamment en matière d’indemnisation des sinistres.
Motifs d’interruption de la prescription
La législation identifie trois causes légales pouvant interrompre la prescription biennale :
L’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception.
La désignation d’un expert, que ce soit par l’assureur ou l’assuré.
L’action judiciaire, soit par l’assignation de l’assureur ou par un commandement d’huissier.
Il est important de ne pas confondre cette interruption de la prescription avec la suspension prévue par l’article 2238 du Code civil, applicable dans les cas de médiation ou de conciliation.
La particularité de la prescription biennale en droit des assurances, selon l’article L. 114-2 du Code des assurances, est qu’elle peut aussi être interrompue par l’envoi d’une lettre recommandée de l’assuré à son assureur. Cependant, la Cour de cassation a précisé que toutes les lettres recommandées n’entraînent pas nécessairement cette interruption. Pour être efficace, la lettre doit contenir une demande explicite de règlement de l’indemnité ou d’activation de la garantie (Civ. 2e, 14 avril 2016, pourvoi n° 15-20.275). Ainsi, une lettre informant simplement l’assureur de l’évolution du sinistre sans demander de règlement spécifique n’affecte pas la prescription. Il est donc crucial pour les assurés de s’assurer que leurs courriers adressés à l’assureur soient suffisamment explicites.
En ce qui concerne la désignation d’un expert judiciaire, également valable en droit commun, la Cour de cassation a évolué dans sa jurisprudence. Elle a établi que la participation de l’assuré à une expertise suffit à rendre les conclusions du rapport opposables à l’assureur, sauf en cas de fraude (Civ. 3e, 29 septembre 2016, pourvoi n° 15-16.342 ; Civ. 3e, 2 février 2017, pourvoi n° 16-11.738). Cette évolution signifie que l’assureur n’est plus considéré comme un tiers extérieur pour lequel le rapport d’expertise serait opposable uniquement s’il est soutenu par d’autres preuves. Cette décision s’explique par le fait que la remise du rapport d’expertise peut être vue comme la concrétisation du risque garanti. Avec cette nouvelle approche, il est probable que les assureurs ne seront plus systématiquement convoqués aux expertises, puisque les rapports leur seront opposables dès la participation de leur assuré. En conséquence, les assurés doivent redoubler de vigilance concernant la prescription biennale, car elle ne sera pas interrompue automatiquement par la simple désignation d’un expert judiciaire.
Quelques précautions à prendre
Voici quelques stratégies pour vous prémunir contre les risques liés à la prescription en matière d’assurance :
Compréhension du contrat : Accordez une attention particulière aux conditions de votre contrat d’assurance. En cas de doute, n’hésitez pas à demander des clarifications à votre assureur ou à consulter un expert juridique.
Conservation des documents : Gardez précieusement tous les documents en lien avec votre contrat, y compris les échanges écrits (lettres, courriels) et les notes d’appels téléphoniques. Ces éléments peuvent s’avérer cruciaux en cas de désaccord.
Communication officielle avec l’assureur : En cas de sinistre ou de tout événement impactant votre contrat, adressez une lettre recommandée avec accusé de réception à votre assureur. Cela garantit une trace formelle de votre communication.
Suivi financier : Examinez régulièrement vos relevés bancaires et autres documents financiers pour repérer d’éventuelles erreurs ou omissions concernant les paiements de vos primes d’assurance. En cas d’anomalie, informez immédiatement votre assureur.
Ces mesures préventives sont essentielles pour assurer la protection de vos droits en tant qu’assuré et pour éviter les écueils liés aux délais de prescription.
L’obligation d’information pour l’assureur
Il est important de souligner que le Code des Assurances impose à l’assureur un devoir d’information envers l’assuré. Il est stipulé que le contrat d’assurance doit clairement mentionner les règles relatives à la prescription (article R112-1). Si cette information est omise, l’assuré ne peut se voir opposer le délai de prescription.
Ainsi, il est essentiel d’être à la fois prudent et actif dans la gestion de son dossier d’assurance, afin d’éviter de se retrouver confronté à la prescription biennale invoquée par l’assureur.
Conclusion
La prescription biennale en matière d’assurance, bien que complexe, est un élément crucial pour les assurés. Elle souligne l’importance d’une vigilance accrue et d’une compréhension approfondie des contrats d’assurance pour éviter la perte de droits essentiels. Les assurés doivent être conscients que le délai de deux ans peut limiter leurs capacités à contester ou à demander des indemnités suite à un sinistre ou à une divergence contractuelle. Cela impose une gestion rigoureuse et une communication proactive avec les assureurs.
Il est primordial de bien lire et comprendre les termes de son contrat, de conserver toutes les correspondances et documents relatifs, et d’agir rapidement en cas de sinistre ou de litige. L’interruption ou la suspension de la prescription biennale, bien que possible dans certains cas, ne doit pas être vue comme une garantie, mais plutôt comme une exception à utiliser avec discernement.
Par ailleurs, il est essentiel de se rappeler que l’assureur a également une obligation d’information concernant la prescription biennale. L’absence de mention de cette règle dans le contrat peut rendre le délai de prescription inopposable à l’assuré. Cela renforce l’importance pour l’assuré de vérifier si toutes les informations nécessaires lui ont été fournies.
En somme, la prescription biennale en assurance exige une attention soutenue et une action proactive de la part des assurés pour protéger leurs droits. Cela implique une compréhension claire des délais, des exceptions possibles, et des obligations des deux parties dans le cadre contractuel. Une telle vigilance contribue non seulement à la sauvegarde des intérêts individuels, mais aussi à l’équité et à la transparence dans le domaine de l’assurance.
FAQ
Qu’est-ce que la prescription ?
- La prescription est un principe juridique selon lequel un droit peut s’éteindre si son titulaire ne l’exerce pas activement pendant un certain délai. Cela signifie qu’après un laps de temps défini, sans action de la part du détenteur du droit, celui-ci perd la possibilité de revendiquer ce droit en justice.
Comment peut-on interrompre la prescription biennale ?
Plusieurs événements sont susceptibles d’interrompre le délai de la prescription biennale, permettant ainsi de relancer le décompte de ce délai :
- La désignation d’un expert : Cet acte survient souvent après un sinistre et peut remettre à zéro le compteur de la prescription.
- La reconnaissance du droit par le débiteur : Lorsque celui qui doit une prestation reconnaît explicitement le droit de celui qui la réclame.
- Un acte d’exécution forcée : Par exemple, une injonction de payer émise par une autorité judiciaire.
- L’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception : Cette lettre doit spécifiquement réclamer le paiement des indemnités dues, constituant ainsi un acte formel d’interruption de la prescription.